L'engin explosa 18 h 55, fauchant des dizaines de couples qui dansaient tendrement. L'estrade fut littéralement soulevée par l'explosion. Le piano réduit en miettes. Lucien Scror, dit Lucky Starway, était mort sur le coup, éventré. Sa chanteuse eut les pieds arrachés, le danseur Paul Pérez, les jambes sectionnées. Lorsque la fumée et la poussière des gravats furent retombées, plus de cent personnes gisaient dans les décombres, perdant leur sang. Le silence qui succéda à l'explosion fut bientôt déchiré par les hurlements des blessés. La bombe ayant explosé au ras du sol la plupart des victimes étaient atteintes aux membres inférieurs.
Huit morts. Quatre-vingt-un blessés dont dix furent amputés !Les douze blocs opératoires de l'hôpital de Mustapha fonctionnèrent toute la nuit.
Alger était à nouveau atteint de folie sanguinaire. Le cycle répression-attentat avait repris avec une intensité que jamais la capitale n'avait connue.
Et le mardi, aux obsèques des victimes, ce fut l'émeute. Comme à l'enterrement de Froger. Les ratonnades. Les magasins saccagés. Les C.R.S. qui tentent de contenir la foule en furie. Les grenades lacrymogènes... Le couvre-feu fut établi à 21 heures.
L'exaspération était à son comble. Chez les Européens, chez les musulmans, on veillait des corps. Le, fossé venait de s'élargir et de se creuser un peu plus. Ce. n'était plus un fossé, mais un ravin !
Les débris laissés par l'émeute étaient tout juste balayés, la fumée des gaz lacrymogènes était à peine chassée par l'air printanier que Bigeard et ses hommes du 3.. R.P.C. revinrent dans le merdier.